Allo la planete

Voici un petit dessin pastel d'un auditeur de "Allo la planète" sur France inter. Apparemment inspiré par notre projet, à l'écoute jeudi dernier de l'émission a laquelle nous participions, il l'a envoyé a Eric Lange, l'animateur, qui l'a affiché sur son blog.

Restez à l'écoute, A Petits Pas sera amené à participer de nouveau à "Allo la planète"






© Saïd Bouchari

Printemps turc

Bonjour à tous,

L'étrave du petit ferrie sur lequel nous naviguons depuis bientôt huit heures vient de s'ouvrir. La passerelle d'acier s'abat dans un fracas métallique libérateur. Les camions chypriotes surchargés et entassés dans la cale commencent à démarrer. Nous nous frayons un passage dans ce labyrinthe de remorques, parmi les nuages de gaz d'échappement. Le quai mal éclairé du petit port de Taşuçu apparaît, la Turquie avec lui.


Port de Tasucu


Nous partons vers l'ouest, en direction d'Antalya et de la côte lycienne. A grande dose d'auto stop nous avançons rapidement et découvrons ce pays, ses habitants, en douceur. Lors de nos premières expériences gastronomiques, nous dégustons un jus fermenté a base de carottes mauves et de piments. Expérience éprouvante. Nous avons l'impression de boire, d'abord prudemment, du bout des lèvres, puis courageusement, à grandes gorgées, du vinaigre dilué, salé et relevé. Nous en concluons que pour apprécier ce doux breuvage, un peu de rodage est indispensable. A suivre. Nous rencontrons évidemment les très célèbres döner kebap dont nous avons pu tester les copies tout au long de notre parcours. Discussions d'experts, critiques acides et subjectives.


Camping urbain a Anamur


Le minaret de la vielle mosquée d'Antalya pointe le bout de son muezzin, nous allons assister très bientôt à une leçon de laïcité turque. Avant tout, nous sommes réquisitionnés pour une chasse au rat dans un cyber café. Absorbés par la rédaction de votre newsletter préférée, nous n'avions pas remarqué la présence de ce petit nuisible. Armés de balais et de tiges métalliques, nous voilà désormais tous les quatre à quatre pattes, occupés a fouiller tous les coins du local exigu. Aygun un internaute, membre actif de Greenpeace, pulvérise un flot continu d'insecticide sur la pauvre bête.
Nous parvenons à faire s'échapper le rongeur trouble fête et sympathisons avec nos compagnons de chasse. Aygun se propose de nous héberger, soit disant pour enlever l'odeur (notre dernière douche remonte a la Jordanie). S'ensuit une discussion intéressante sur la laïcité, valeur très chère a la Turquie. Lui même musulman modéré doté d'une soeur musulmane plutôt "radicale" selon lui et qui porte la burka, d'un frère chrétien relativement pieux et d'un deuxième frère se revendiquant athée. Il exalte cette diversité familiale, parle de tolérance et poursuit sur la laïcité. Le port du voile vient d'être autorisé à l'école en Turquie, ce qui irrite notre hôte. Le débat qui a fait rage en France ces dernières années renaît. Protection de la laïcité ou atteinte aux libertés? Nous sommes saisis par la fierté qui se dégage de lui lorsqu'il évoque les valeurs de son pays. Le temps de méditer ses paroles et nous partons sur la côte lycienne, toujours vers l'ouest.

Le printemps commence à prendre le pas sur l'hiver; le temps se radoucit et les jours s'allongent. Il nous est agréable de nous jeter à l'eau après une journée de marche. Plages de sable, petites criques de galets ou torrents de montagne; nous accueillons les uns et les autres avec gratitude. Nous procurons à notre tour le gîte et le couvert a un hôte de choix, un petit chien au pelage tacheté noir et blanc. Nous l'affublons du nom de Jean-Claude. Il nous suivra pendant quelques jours, partageant nos repas, veillant, le soir, au pied de notre tente. Gare à celui qui s'approche! Au fil des jours nous découvrons une région splendide et variée, des flammes de Chimerae aux ruines monumentales d'Ephèse en passant par l'antique ville d'Olympos perdue au milieu de la forêt. Nous nous séparons dans la douleur de Jean Claude; Izmir, troisième ville du pays nous appelle.

Nous faisons la rencontre de Dennis, entrepreneur américain installé en Turquie depuis plus de dix ans. Il consacre sa vie à l'application "équitable" du commerce de l'huile en Turquie et nous permet d'entrer en contact avec les personnes importantes dans le milieu. Il s'avère être un interprète de talent. Largement bavard, les journées s'écoulent au rythme de son discours. Nous abordons avec l'union des exportateurs un sujet sensible qui se révèle d'une importance certaine pour l'industrie de l'olive: les relations houleuses de la Turquie avec l'Union Européenne. Une candidature souvent rejetée et qui a pour conséquence de lasser la population turque. Fatiguée par ces débats, elle se décourage et préfère penser à autre chose.


Visite au bureau de l'agence d'exportation


La Turquie fait cependant partie de l'union douanière européenne. Comprenez l'incompréhension des exportateurs lorsqu'on leur impose des taxes prohibitives (si la Turquie supprimait ses droits de douanes sur la viande rouge danoise et hollandaise, l'UE serait prête a baisser les siens a l'égard de l'huile d'olive) et que l'UE subventionne largement les producteurs européens (rappel : L'Espagne, l'Italie et la Grece représente a eux seuls 80% de la production mondiale d'huile d'olive). Conséquence directe, plus de 60% de l'huile turque est vendue en vrac afın de pouvoir trouver des débouchés commerciaux et est souvent vendue comme "italienne". Dennis nous présente sa vision humaniste des choses. Nous apprécions discuter avec lui de ces sujets et découvrons l'ambiance chaleureuse d'Izmir. Nous nous séparons malheureusement de lui pour prendre le chemin de la grande Istanbul où d'autres aventures nous attendent.

Aventureusement votre.

L'équipe A Petits Pas

Escapade Chypriotes

Nos déboires du Moyent-Orient derrière nous, nous atterrissons à Chypre, île plutôt paisible aux premiers abords. Pour nos premiers pas, nous retrouvons l'UE, les touristes, l'euro et la hausse des prix qui en découle depuis le 1er janvier. Le dépaysement en prend un coup, un cap du voyage est franchi, nous sommes déjà sur le chemin du retour, 6 mois après notre départ de la Fare les Oliviers en France.
Nous décidons de profiter de notre semaine insulaire en partant pour le centre du pays pour quelques jours de marche en montagne, pour changer du littoral.

Nous découvrons alors notamment grâce à nos quelques trajets en stop, le métissage de cette île. Une population locale Chypriote grecque plutôt méfiante, et une immigration importante venant de tout horizon, Bulgarie, Arménie, Inde, Sri Lanka, Vietnam, qui ne s'apprécient pas toujours mutuellement. Ajoutez à cela l'invasion et l'occupation turque du tiers Nord de l'île depuis 1974, qui ont créées, non sans heurt, de nombreux expropriés et réfugiés vivant désormais au sud, coté grecque, et vous obtenez un étonnant mélange de culture et de ressentiments sur ce territoire à peine plus grand que la corse.

Emmenés par un couple de bulgare puis un allemand vers la montagne du Troodos, nous reprenons la marche. Nous traversons les sommets de l'île, a près de 2000m d'altitude, avec en invité surprise une épaisse couche de neige qui nous fait perdre notre chemin. Nous nous retrouvons seul, pour camper dans de petites vallées avec comme seul bruit de fond, l'écoulement d'un ruisseau remplaçant agréablement les muezzins qui nous accompagnaient depuis 5 mois.

Petit détour par quelques visites culturelles, les nombreuses civilisations qui se sont succédées sur ce bout de terre stratégique au carrefour de trois continents, ont laissé des traces. Monastères byzantins dans le Troodos, remparts vénitiens de la capitale Nicosie et autres châteaux francs, Mais les plus marquant, et dangereux, resteront pour nous les anglais, qui présents sur l'île jusqu'en 1960, y ont laissé la mauvaise habitude de rouler à gauche. Quelques frayeurs en traversant la tête tournée du mauvais coté !



Avant le passage coté turc, nous assistons au carnaval de Limassol. De grands défilés de chars et troupes de danseurs, pas toujours très coordonnés, pas toujours très soignés, voire pour certains spécimens, plus tout à fait sobres. Nous nous frayons un chemin, sac sur l'épaule pour rejoindre la capitale Nicosie. L'île est petite, nous recroisons déjà plusieurs connaissances et les contacts se font plus sympathiques. Nous nous faisons même inviter, le dernier soir coté grec, par un couple de Chypriotes qui nous avaient vu plusieurs jours plus tôt sur le bord de la route, sans s'arrêter. Ils nous avoueront plus tard, qu'ils ne nous avaient pas pris, effrayés et trop méfiants des étrangers sur l'île. Une fois la glace brisée, plus de problème, et les français sont toujours autant appréciés à l'étranger.

Le passage coté turc s'effectue sans problème, même si la vision de barricades en plein centre ville renvoie toujours à des images plus noires. Rien à voir cependant avec la situation israélo-palestinienne que nous venons de quitter. Il s'agit d'une occupation "froide", les discussions sur la réunifications ont repris, la Turquie devant faire preuve de bonne volonté devant l'Europe pour sa propre candidature à l'union.


Barricade dans la "derniere capitale divisée", Nicosie.



Même si le tourisme est également bien présent coté turc, la différence de richesse nous saute au yeux. Les vieilles voitures succèdent au Mercedes et 4x4 de luxe qui pullulent de l'autre coté, les prix chutent et la ville de Nicosie s'assombrit. Nous n'y passons que quelques heures mais croisons la route d'un journaliste local, amusé de nous voir le pouce levé sur le trottoir. Après quelques photos et questions ils nous déposent à Kerynia sur la cote, pour notre bateau en direction de la Turquie.
Nous n'aurons malheureusement pas eu le temps de vérifier si nos têtes apparaissaient dans le journal du lendemain, nous sommes déjà en Turquıe...

A bientot

Aventureusement votre.

L'équipe A Petits Pas.

Et pour les photos : http://picasaweb.google.com/oleitrotteurs Pour laisser des commentaires, dirigez vous sur le site, dans notre livre d'or.